"La marque employeur et la culture d’entreprise se confondent pour 90% des personnes interrogées"
- Aurélya Bilard
- 16 janv.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 7 févr.
Responsable de la R&D chez Performanse, Arnaud Trenvouez revient sur l’étude dévoilée fin 2024 à propos de la culture d’entreprise et comment celle-ci impacte les transformations au sein des organisations. Pour mener à bien une conduite du changement, l’une des clés résiderait dans le diagnostic de la culture organisationnelle.

Dans le cadre de l'étude, pourquoi avez-vous cherché à faire ce lien entre culture d'entreprise et transformation des organisations ?
Arnaud Trenvouez : Il y a une enquête qui revient souvent sur le devant de la scène disant que 70 % des plans de transformation se cassent la figure (1). Au travers de notre ebook, nous pouvons ré-interroger les échecs de mise en place des projets de transformation en se posant une question : dans quelle mesure la culture de l’entreprise a été prise en compte avant de lancer des plans de transformation ? En menant un changement au sein d’une organisation, on en vient forcément à bouger des éléments culturels : valeurs, procédures, moyens de communications, logiciels, processus RH, etc. Cela bouscule la culture organisationnelle qui est vécue au quotidien par les managers et les collaborateurs. Si on ne s’y intéresse pas en amont, la transformation risque de mal se passer. Et les chiffres montrent que ça ne se passe pas toujours bien.
A la lecture de l’étude, il semble que les différents acteurs d’une organisation peuvent chacun avoir une vision différente de ce qu’est la culture d’entreprise. Est-ce que ces perceptions diverses et variées joueraient un rôle dans la difficulté à mettre en place une conduite du changement efficiente ?
A. T. : Les éléments qui constituent la marque employeur vont être le point de départ de notre manière d’observer la culture dans le cadre des transformations. Lorsqu’on interroge les collaborateurs individuellement sur la culture d’entreprise, il y a des références directes à ce qui est promu via la marque employeur. Notamment, on retrouve largement le champ lexical lié au climat organisationnel.
Dans notre étude, on constate qu’une majorité des mots utilisés pour définir la culture d’entreprise renvoie au relationnel. C’est pourquoi nous disons que questionner la culture d’entreprise implique d’aller au-delà de la marque employeur et du vocabulaire mobilisé. Il faut pour cela se poser les bonnes questions. Et cela commence par se demander ce que l’on veut vraiment changer au sein de son organisation.
Il faut aussi prendre en compte le facteur temps. Car trop d’entreprises veulent mener de la conduite du changement en deux mois. Or, il n’y a pas plus stable que la culture organisationnelle. Nous préconisons une approche par la data. Chez PerformanSe, on mesure la relation des collaborateurs au travail, leurs motivations, la manière dont ils se représentent les valeurs de l’entreprise, etc. Avec ces données, on réalise une analyse des éléments comportementaux. Ensuite, nous faisons ce que nous appelons une approche confirmatoire de manière à confirmer ou non les hypothèses qu’on a pu émettre. On réalise ainsi un audit de culture d’entreprise en l’espace de trois semaines à un mois.
Les entreprises enchainent les transformations. En interne, des collaborateurs peuvent avoir le sentiment d’être dans une conduite du changement permanente au lieu de vivre le changement. Est-ce que ça impacte la culture d’entreprise ? Et n’est-il pas judicieux de mesurer en continu ou régulièrement ?
A. T. : C’est le diagnostic qui est important. Comme je vous le disais, la culture organisationnelle met du temps à bouger. Refaire une mesure au bout d’un mois n’a pas de sens. Mais un an après, ça peut se révéler intéressant. Il faut accepter le temps long. De plus, dans une entreprise qui est en perpétuel mouvement, on peut penser qu’il s’agit là d’un aspect fort de sa culture. Il y aura sûrement une partie des collaborateurs qui sera très à l’aise avec les changements permanents et sera alignée avec la culture de la boîte. Puis, vous aurez une autre partie des collaborateurs qui sera en décalage avec cette culture, car la stabilité est pour elle très importante.
Et que faire pour ceux qui sont en décalage ?
A. T. : D’après l’étude, 10 % des répondants sont en rupture de contrat psychologique, ce qui signifie ne pas être en phase avec la culture de leur organisation. Les effets que l’on constate sont le désengagement des collaborateurs et une augmentation du taux de turnover. Sur le plan psychologique, grâce à ce type d’enquête, on peut identifier les populations qui vont être en difficulté.
Nous avons mesuré qu’environ 40 % des personnes ne perçoivent pas qu’une culture particulière soit mise en avant dans leur entreprise. Si le discours sur la marque employeur n’est pas « visible », il reste qu’une culture d’entreprise est pourtant bien présente. Lorsqu’une entreprise vit une transformation, il faut donc être particulièrement vigilant. Car de nombreuses personnes peuvent ne pas ou ne plus adhérer au projet. L’accompagnement des collaborateurs durant cette période est essentiel. Il ne faut surtout pas s’arrêter au discours et à la marque employeur, la culture de l’entreprise, très implicite, est le socle de la réussite d’une transformation.
Quelle a été votre plus grande surprise à la découverte des résultats de l’étude ?
A. T. : La marque employeur et la culture d’entreprise se confondent pour 90% des personnes interrogées. Les collaborateurs utilisent les termes utilisés par leur employeur ! C’est une bonne nouvelle ! Pour aller plus loin, il faudrait que les organisations réalisent une connexion plus forte entre leur marque employeur et leur culture organisationnelle. Ce qui se joue, c’est une culture authentique. C’est ça le véritable challenge. Car plus la culture est authentique et plus il y a une adhésion aux valeurs et au management.
1 - Plusieurs cabinets avancent ce même chiffre au fil des ans, de McKinsey au Boston Consulting Group (BCG). A noter que la Harvard Business Review indique également ce taux de 70 % dans une étude parue en 1995. https://hbr.org/1995/05/leading-change-why-transformation-efforts-fail-2
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